Comme une odeur de poudre: une brève histoire des perruques folles

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Défier la physique grâce à la perruque

« Les hommes se font tromper le plus souvent dans trois domaines: les chevaux, les femmes, les perruques. » (Benjamin Franklin, inventeur, journaliste, homme politique et un peu désabusé)

« Il est bien nécessaire d’employer de l’argent à des perruques, lorsque l’on peut porter des cheveux de son cru, qui ne coûtent rien. »  (Molière, L’Avare, Acte I, scène 4)

Remercions Jean-Baptiste Poquelin pour cette pertinente remarque. Pourquoi, en effet, porter des perruques quand on a des cheveux? Ou même quand on n’a pas de cheveux? Si la carrière de Zinédine Zidane et de Bruce Willis nous enseigne quoi que ce soit, c’est bien qu’un crâne rasé n’est pas un handicap marketing, bien au contraire… C’est donc avec cette interrogation en tête (poudrée) que nous partons à l’assaut de l’histoire des perruques folles pour comprendre comment pendant quelques tournoyantes époques, nos ancêtres ont arboré des édifices monstrueux menaçant leur réputation et leur sens de l’équilibre.

L’histoire de la perruque commence dès l’Antiquité, puisque les Egyptiens et plus tard les Grecs et les Romains portaient des perruques. Dans les Amours, Ovide dit à sa maîtresse triste de perdre ses cheveux: « Maintenant, la Germanie t’enverra les cheveux de ses captives ; tu seras tranquille grâce au présent d’une nation de laquelle nous avons triomphé« . De l’art de concilier conquêtes administratives et victoires capillaires! Déjà à cette époque, la perruque est un marqueur social: seuls les riches la portent, soit pour camoufler leur calvitie, soit pour mieux correspondre à la mode, soit, comme Messaline l’impératrice nymphomane, pour aller dans des lupanars incognito…

Passons sur ces détails peu SFW et faisons un bond splendide de l’Empire romain à la cour d’Elizabeth I d’Angleterre, qui remit au goût du jour la perruque. Souffrant d’un léger trouble narcissique, la Virgin Queen aimait garder un air juvénile en portant des perruques rousses et des fausses dents… [Zig: Voilà un conseil de beauté que Cosmo ne vous donnera jamais!] Mais la mode reprit de plus belle: la plupart des aristocrates portaient les cheveux ras et une perruque par-dessus, pour éviter des problèmes d’hygiène et les infections capillaires. On n’ose imaginer l’état des perruques après quelques mois d’utilisation, et on peut se demander si c’était vraiment plus hygiénique…

Elizabeth a défié l'Armada et les problèmes capillaires

Elizabeth a défié l’Armada et les problèmes capillaires

Au XVIIème, la perruque est à la mode pour les hommes,  aristocrates comme pour certains bourgeois. On la choisit plutôt longue, souvent brune. C’est d’ailleurs à cette époque que les perruquiers deviennent un corps de métier à part entière. Louis XIV a un « chambellan des perruques » dont le travail est de brosser, nettoyer et surveiller les perruques (car on le sait, la perruque a une fâcheuse tendance à s’enfuir en courant). Les cheveux viennent de cadavres ou de volontaires, ce qui crée des paniques sanitaires. Durant la grande Peste de Londres, le nombre de perruques explose mais les clients craignent d’être contaminés par les cheveux ainsi obtenus. Bon, ils les portent quand même: la mode, c’est important.

C’est à l’époque des Lumières que la perruque concerne les hommes, les femmes, les juges, les notaires, les tout le monde, et que l’extravagance devient mémorable. D’abord on commence par se poudrer les cheveux naturels, encore une fois pour des raisons d’hygiène.

Ne serait-il pas plus facile de prendre un bain? J'dis ça, j'dis rien...

Ne serait-il pas plus facile de prendre un bain? J’dis ça, j’dis rien…

Puis on se met à porter des perruques poudrées, qui valent une simple fortune. D’ailleurs un des méfaits les plus courants à l’époque de Louis XV est le vol de perruque dans la rue (ATTENTION, POUR NE PAS TENTER LES PICKPOCKETS, EVITEZ DE SORTIR AVEC UNE PERRUQUE IMMENSE ET SUPER CHERE, MERCI). Pendant que la victime est abordée par un complice, le voleur arrache le précieux couvre-chef et part en courant, laissant un crâne à l’air libre…Les hommes portent des perruques assez courtes, mais les femmes se laissent tenter d’abord par des postiches pour rembourrer leurs chignons, puis par des confections tout bonnement splendides.

SWAG

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Les perruques se mettent à monter de plus en plus haut, et à être garnies de plumes d’autruche (note au lecteur: c’était méga cher), voire de symboles politiques, religieux ou même amoureux. Eh oui, quoi de plus sensuel que de remarquer dans la grosse perruque de sa dulcinée un petit mot doux, qu’on ira récupérer grâce à un escabeau? Les satiristes de l’époque en font des choux gras, se moquant de ces femmes dont « le visage se trouve soudainement au milieu du corps », qui ne peuvent pas entrer dans un carosse, ni même passer le pas d’une porte sans devoir s’agenouiller. Marie-Antoinette se fait vertement tancer par sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, pour ses perruques dignes d’une courtisane, mais reçoit malgré tout son coiffeur Léonard tous les matins à Versailles, pour qu’il puisse mettre la « touffe » finale à ses coiffures.

Ce n’est qu’à la veille de la Révolution que les perruques deviennent plus sobres, plus discrètes.

On a dit PLUS sobre, pas sobre tout court

On a dit PLUS sobre, pas sobre tout court

La Révolution française marquera le clap de fin pour la perruque extravagante, même si Danton et Robespierre parmi d’autres, continueront à en porter jusqu’à leur mort. La perruque est devenue un signe de décadence aristocratique, et il faudra attendre le XXème siècle pour revoir l’art du perruquier être à nouveau à la page.

Ayons donc une pensée émue (et quelques éternuements) pour tous ces perruquiers devenus soudainement chômeurs, et pour les extravagantes des Lumières, essayant désespéremment de rentrer dans leur carosse malgré leur mètre de faux cheveux.